Agis ta Terre à la découverte de l'entrepreneuriat social

DES LUNETTES = UN TRAVAIL

Ce vendredi 13 novembre fut un jour de chance pour l’association Agis ta Terre ; nous avons rencontré Jordan Kassalow, figure de proue de l’entreprenariat social. Il est le fondateur et président de l’organisation Vision Spring. La fondation permet à des entrepreneurs dans des pays en voie de développement (sur trois continents) de vendre des lunettes à bas coûts.

C’est à New York, en plein cœur de Manhattan, que Jordan nous reçoit dans ses nouveaux locaux. Il nous accueille chaleureusement et nous accorde une longue interview. Nous commençons par l’interroger sur son parcours ; comment est-il devenu un entrepreneur social ?

Jordan, docteur en ophtalmologie, s’est investi au cours de son cursus universitaire dans des projets humanitaires au cœur de pays en voie de développement. Lors de ces différentes missions, il a pris conscience que ses actions ponctuelles étaient loin d’enrayer les problèmes rencontrés dans ces pays. Face au manque d’informations et de moyens, il pense qu’il faut instaurer des actions durables (financièrement et dans le temps).

A la fin de ses études, il part un an en Inde à l’ « Aravind Eye Hospital », le plus grand centre ophtalmologique du monde qui effectue des opérations de la cataracte (pour 5USD contre 300USD aux Etats-Unis). Jordan réalise que 40% des personnes ayant des problèmes de vue ont juste besoin d’une paire de lunettes aux corrections basiques.

Plus de 400 millions de personnes dans les pays en développement ont besoin de lunettes pour travailler. Pour eux, la dégradation de la vision signifie la perte de leur travail et les entraîne avec leur famille dans une spirale de la pauvreté (perte de moyen de subsistance). Pourtant la baisse de la vision proche (presbytie) correspond à un phénomène naturel chez les personnes de plus de 35 ans et la plupart d’entre eux peuvent la corriger par une simple paire de lunette en vente libre.

Si aux Etats-Unis il est extrêmement facile de se procurer des lunettes aux corrections basiques,  John est frappé par la difficulté pour ces habitants de s’en enquérir. Une grande partie des populations vivants avec moins de 4USD par jour n’est pas informée de l’existence de traitements ophtalmologiques et/ou n’ont pas accès aux soins oculaires.

Le docteur Kassalow remarque que des pans entiers de populations se trouvent face à un double problème :

- Pas d’accès aux réseaux de distribution de lunettes
- Lorsque ces populations ont accès à un point de vente, les lunettes sont financièrement inabordables

Jordan constate qu’il n’y a ni réseau ni offre adaptée à cette demande et que le problème est trop important pour une petite organisation ; il faut donc le corriger à grande échelle.

En 2001 Jordan Kassalow a créé avec Scott Berrie 2 organisations : une entreprise et une fondation qui bénéficient d’effets de synergies. L’entreprise vend des lunettes aux Etats-Unis et la fondation vise des populations à faible revenu dans les pays en voies de développement. L’entreprise reverse 5% de ses bénéfices à la fondation qui profite par ailleurs de synergies telles que le partage des coûts fixes du design, de la production, du transport.  En 2008 Jordan et Scott décident de se séparer, reprenant respectivement la fondation et l’entreprise.

Le fonctionnement de VisionSpring repose sur deux piliers :

- Réduire la pauvreté à travers l’activité économique
- Offrir des lunettes à bas coûts adaptées  aux populations les plus démunies, qui leur permettent de garder un emploi

VisionSpring a alors développé des lunettes de vue à bas prix adaptées aux populations exclues du réseau de distribution classique, trop onéreux.

La fondation offre la possibilité à des milliers d’entrepreneurs de créer leur activité en les formant aux soins oculaires de base et à la gestion d’entreprise. A la fin de cette formation, ces « visionentrepreneurs » reçoivent un sac contenant l’ensemble des produits et matériels nécessaires à la commercialisation et à la vente de lunettes. A travers ces Visionentrepreneurs, VisionSpring crée des réseaux d’entrepreneurs locaux ayant accès aux populations jusqu’alors exclues de ces services. Outre le fait de sensibiliser et d’offrir des solutions abordables aux patients en se rendant à leurs travails ou à leurs habitations, les Visionentrepreneurs orientent les personnes ayant besoin de soins oculaires vers des centres médicaux partenaires.

Depuis sa création, VisionSpring est présent sur 3 continents (Amérique du sud, Asie, Afrique) et plus de 400 000 paires de lunettes ont été distribués par près de quatre mille visioentrepreneurs. Par la vente de ces lunettes, des emplois ont été créés et d’autres ont pu être conservé. Les résultats sont particulièrement probants au Bangladesh, un des premiers pays où VisionSpring s’est implanté, où l’impact économique et social (social return on investment) de la fondation se situe autour de 1,4 milliards de dollars sur dix ans pour seulement 1,6 millions investis.  Face à un tel succès Jordan souhaite étendre l’action de la fondation en formant 30 000 Visioentrepreneurs et vendant 3 millions de paires de lunettes d’ici à 2012.

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